L’attribution genrée des vêtements s’effrite dans certaines collections de prêt-à-porter. Plusieurs marques intègrent désormais des lignes de jupes sans mention de genre, tandis que des personnes non binaires s’en emparent comme d’un outil d’expression. Pourtant, certains segments du secteur continuent d’associer systématiquement la jupe à une rupture de norme, alimentant parfois des stéréotypes.
Des créateurs indépendants aux grandes enseignes, les initiatives divergent : inclusion sincère ou récupération marketing, les intentions prêtent à débat. L’impact sur les codes sociaux et le marché de la mode reste en pleine évolution.
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Quand la jupe bouscule les codes : histoire et symbolique d’un vêtement au-delà du genre
En France, la jupe a longtemps été rangée du côté du féminin, mais elle n’a rien d’un vêtement figé. Remontons le temps : dans l’Égypte antique, puis sous l’Empire romain, la jupe, le pagne ou la toge se portaient sans souci de sexe. L’idée d’un pantalon masculin et d’une jupe féminine ne s’installe vraiment qu’au XIXe siècle en Europe de l’Ouest.
De nos jours, la jupe refait surface dans le style vestimentaire de certaines personnes non binaires et s’invite dans des mouvements qui remettent en cause les codes vestimentaires. Elle devient un signe de fluidité de genre, échappant au duo homme-femme, renouant avec une histoire riche et plurielle. Ce vêtement se transforme en instrument d’expression de genre, capable d’affirmer une appartenance, une revendication, ou au contraire, de signifier le refus d’une identité verrouillée.
Les récentes polémiques autour de la jupe à l’école ou lors de manifestations rappellent la charge symbolique du vêtement. Sous ses airs légers, chaque centimètre de tissu interroge la répartition des rôles et la façon dont la société fabrique et transmet ses propres normes de genre. Loin d’être anecdotique, la jupe incarne aujourd’hui un terrain de contestation : celui de la visibilité, de l’identité et du droit de choisir librement.
Stéréotypes et clichés : la mode non binaire face aux idées reçues
Porter une jupe sans s’identifier exclusivement à un genre, c’est percuter de plein fouet les stéréotypes de genre. Les réactions s’enchaînent, les commentaires tombent, comme si la mode non binaire devait en permanence se justifier ou se défendre. La société, marquée par la cisnormativité, continue de vouloir tout classifier : chaque vêtement, jupe ou pantalon, est observé comme un indice d’identité de genre, un marqueur auquel se raccrochent normes et préjugés.
L’idée d’une mode androgyne ou neutre, débarrassée des genres, se heurte à ces réflexes profondément ancrés. Un homme en jupe ? Une femme en costume ? L’entre-deux fait peur, dérange. Les personnes non binaires, tout comme les personnes trans ou genderfluid, font face à la suspicion : la jupe sur un corps non conforme serait-elle une provocation, une mode passagère ou un vrai choix d’expression de genre ?
Certains créateurs, des associations et les réseaux sociaux s’attachent à faire tomber ces barrières. Malgré cela, la mode non genrée reste parfois perçue comme un caprice ou une tendance éphémère. Cette lecture occulte une réalité bien plus profonde : pour nombre de personnes, opter pour des vêtements unisexes ou no gender n’a rien d’un jeu, c’est une condition pour s’affirmer et parfois, pour atténuer la dysphorie de genre.
Voici quelques réalités à garder en tête pour comprendre ce mouvement :
- La mode unisexe ne fait pas disparaître les identités, elle les met en lumière.
- Le vêtement n’est jamais neutre, il devient outil de positionnement politique et social.
- Les stéréotypes enferment, la mode non binaire dessine de nouveaux espaces d’expression.
Jupes et personnes non binaires : affirmation de soi ou piège de la tendance ?
La jupe porte toujours plus qu’un simple style. Pour beaucoup de personnes non binaires, elle traduit une volonté d’expression de genre, un choix personnel qui oscille entre l’affirmation et le risque d’être avalé par la tendance. Hors podiums, dans la rue, la jupe sur un corps non conforme bouscule les habitudes, remet en cause le binaire et expose à des réactions parfois hostiles.
La transition sociale devient alors une navigation délicate. Trouver la coupe qui correspond à sa morphologie, composer avec les regards, repérer un safe space où l’on peut simplement être. Pour certain·e·s, la jupe devient un moyen de lutter contre la dysphorie de genre, procurant une sensation de confort et d’alignement entre le corps, l’identité et ce que l’on ressent au plus profond. Pour d’autres, souvent plus jeunes comme la Gen Z, la jupe est un terrain d’expérimentation, une façon de contester les normes et d’afficher une existence queer, mouvante, insaisissable.
Quelques points clés permettent de saisir les enjeux du port de la jupe pour les personnes non binaires :
- Le choix de la jupe peut avoir un impact direct sur le bien-être psychologique et l’estime de soi.
- La question du pronom neutre s’étend au vestiaire : s’habiller, c’est aussi affirmer son « iel » face au monde.
- Le coming out par les vêtements met en lumière une tension : se distinguer sans tomber dans les caricatures que la mode pourrait imposer.
Des marques qui s’engagent pour une mode inclusive et créative
Face à l’essor de la mode non binaire, certains créateurs et grandes marques changent la donne. Les collections genderless bouleversent l’ordre établi du vestiaire, brouillent les frontières entre blazer et jupe, costume et robe. Chez Gucci, la silhouette s’émancipe : coupes oversize, couleurs neutres et souci du détail, des bijoux XXL aux sacs pensés pour tous.
Dans la capitale française, des labels émergents proposent un style vestimentaire libéré des catégories homme/femme. Les collections inclusives s’adressent autant à celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans la binarité qu’à celles et ceux qui la refusent. Foulards, bagues, sacs deviennent des signes d’expression de genre souple, sans assignation stricte. Des médias spécialisés, de Vogue à la presse indépendante, saluent ce souffle nouveau, là où l’industrie hésitait encore récemment.
Voici comment la mode évolue concrètement sous l’impulsion de ces marques :
- Les campagnes mettent en avant la pluralité des silhouettes et des identités.
- Des boutiques proposent des essayages sans séparation de genre, créant des safe spaces où chacun trouve sa place.
- Des collaborations inédites réunissent designers reconnus et jeunes créateurs portés par la créativité inclusive.
Madonna, icône d’une liberté sans étiquette, inspire cette ouverture depuis des années. Les repères vacillent, les frontières tombent : désormais, chacun invente sa façon d’habiter la mode. Le terrain s’élargit, et il n’attend plus que l’imagination de celles et ceux qui osent s’y aventurer.


